Sunday, August 10, 2014

De la Terre Au Ciel!


Ce matin-là j'eus du mal à me réveiller. J'avais les les chevilles comme verrouillées et un vertige naissant .  Pourtant rester chez moi  était hors de question en raison de tout ce qu'il y avait à faire en cette dernière semaine de l'année fiscale. Je dus donc me secouer un peu pour me rendre au bureau.   Au milieu de la journée, je n'allais toujours pas  bien.  Une autre tasse de café aurait du aider mais cette fois-ci doubler ma dose de caféine refusa de marcher pour moi. Pire, je sentais venir une migraine sous forme de lancements intermittents au niveau de la tempe gauche. Je n'étais  pas du tout  d'aplomb alors que j'avais à participer dans une heure  à une séance d' évaluation annuelle  de ma performance conduite par  mon superviseur immédiat qui devait reprendre l'avion pour le bureau régional à Honduras tout de suite après la rencontre, le même jour.
Pour me détendre un peu et faire bonne figure au cour de cette rencontre importante, je décidai de sortir  et de marcher un peu dans le quartier pour quelques minutes.  Ce n'était  pas une mauvaise idée que d'aller dépenser un peu d'énergie et en gagner aussi en marchant.  Je commençai ma petite session de marche tout en  respirant volontairement .  Fort heureusement le quartier  est  en général assez propre et la journée n'était pas très ensoleillée. Je trouvai fort agréable l'odeur qui s'échappait des cuisines cachées derrière des murs géants.  J'étais contente de voir nos voisins et d'être témoin de cette vie autrement active tout autour de nous alors que nous étions  enfermés dans notre bureau à nous concentrer sur des entrées et des dépenses, des rapports de fin de mois, des visites et des rencontres de suivi de projets et de programmes.

En m'approchant de l'une des maisons, je fus accueillie par les éclats de rire d'un groupe d'enfants. Arrivée à leur hauteur, je m'arrêtai  et pus voir à travers une grille qu'ils jouaient  à la marelle.  C'était le tour d'une petite fille :   légère elle parcourait les carreaux sans faillir du début presqu'à la fin. Il y avait si longtemps que je n'avais pas vu ca !  C'était mon jeu préféré du temps de mon enfance . Ces enfants y prenaient autant de plaisir que nous quand nous avions leur âge mes frères, mes sœurs, mes cousins et moi. J'étais particulièrement bonne à ce jeu auquel se prêtaitent bien notre cour, celle de l'école, les trottoirs de la rue 16 D-E  les grands espaces de la place publique en face de la cathédrale du Cap. Partout on pouvait voir ces carrés tracés par des mains habiles d'enfants. En partant de la" Terre" les trois premiers degrés étaient faciles et invitaient à courir ou à marcher suivant son humeur. A partir de 4 et 5 , cela devenait plus compliqué ; il fallait viser  juste et ne pas rater son cible en projetant  le palet (un objet léger ou plat )  exactement dans l'espace approprié et aussi et surtout faire une partie du parcours sur un pied sans perdre son équilibre jusqu'à parvenir "Au Ciel". Dans ma petite tête d'enfant, rater le ciel était comme rater le paradis ou le bonheur à l'avenir. C'était comme une prédiction.  Je m'évertuais donc à toujours gagner le ciel, et ce moment  était pour moi spécial, c'était l'extase.  Je sautais toujours les yeux fermés et les bras en l'air en criant "Ciel!!!!  Maintenant  je me rends compte que c'était faire un voyage  au ciel sans passer par la mort!

Ma migraine était complètement partie.  J'avais une envie folle de me joindre à eux mais j'étais embarrassée de le  leur demander . Remarquant que la barrière était ouverte, je fis mine de l'ouvrir et l'une des filles s'avança et me dit: Vous travaillez  en face, on vous voit chaque jour; j'en profitai donc pour lui faire ma requête de participation. " La marelle est ...non.... était mon jeu préféré, lui dis-je.   Deux adolescents assis un peu plus loin éclatèrent  de rire, me ramenant soudainement à la réalité .  ... trop vieille pour jouer, et si je tombais  et me cassais la jambe?  Alors me vint à l'esprit  l'une de mes aventures liées à la marelle qui me fit éclater de rire à la grande surprise des enfants.  Une fois, en revenant de l'école, mes camarades  et moi, rien que des garçons, décidâmes de nous arrêter en route pour jouir d'une forme de marelle découverte sur le pavé.  Je partis la première .  Très vite  je perdis l'équilibre  en récupérant le palet  avant de poursuivre pour la case précédente en sautant sur un pied.  Je m'étalai de tout mon long sur le trottoir, la jupe en l'air me livrant complètement en spectacles aux garçons qui n'arrêtaient pas de rire.  En me relevant, pour cacher ma honte, je piquai une crise de colère mémorable au point de foncer sur celui qui riait le plus ,oubliant  qu'il était costaud et plus vieux alors que moi je ne faisais pas honneur à mes 10 ans. Il n'avait même pas besoin de me frapper en retour .  Je me heurtai violemment contre le colosse qui ne bougea pas d'un pouce tandis que moi, je rebondis en arrière atterrissant une nouvelle fois sur le pavé.  Je me relevai furieuse et partis sans mon sac d'école que j'oubliai par terre dans un coin.  Il me fut rapporté plus tard par mes cousins Jean et David ". Je m'imagine  que ce garçon  doit être aujourd'hui enrôlé dans une armée fonctionnelle quelque part dans le monde.

La petite me fit sortir de mon rêve en me prenant le bras.  Encouragée, je chassai l'idée sombre d'incapacité  et me lançai à l'aventure à la barbe des deux jeunes adolescents moqueurs au début mais admiratifs de mon agilité plus tard. Heureusement que je garde encore mes longues jambes!  Un premier tour, un deuxième tour...Les enfants ne me faisaient pas de cadeau.  J'étais ivre de bonheur . J'encourageai même les garçons à nous rejoindre ( un souci constant d'integration des genres...) augmentant ainsi le nombre des participants, multipliant aussi les rires et boutades.   Au troisième tour je pus arriver jusqu'au Ciel ! Ciel !Ciel ! ....Quand je m'arrêtai : OOPS! l'heure de mon rendez-vous avec mon superviseur était passée depuis plus d'une heure...sur mon téléphone, il y avait 10 appels en absence en provenance  du bureau.

Ljc,Petionville Haiti

1 comment:

  1. Good Blog! Par quelqu'un qui sait bien qu'un blog est un mot "personnel" et pas seulement un "assemblage de nouvelles produites par d'autres"... Superbe écriture du temps présent LC!

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