Tuesday, January 30, 2018

Yè Oswa...



Yè oswa,
Mwen kwaze avè’w lè’w te piti
Mwen wè'w kap jwe lago,
Adje O!
Gen lè ou pa konn plezi jwèt la
Se pa nan konn kache ni nan konn kouri ?
Plezi a se nan chwazi ki moun wap kite kenbe’w wi
Yè oswa mwen kwaze avè’w lè ou te piti
Ou pa t konn sekrè jwèt lago.

Lunise Jules. 2013

Friday, August 11, 2017

THOMASSIQUE...Un Cri Fend La Nuit

      Je suis à Thomasique pour deux jours et demi dans le cadre de mon travail.  Thomassique un beau nom pour un beau village. Ce n’est pas loin du prénom de mon père. Il y a vécu en fait, il a grandi dans la zone et en parlait souvent de son vivant. Ses parents y possédaient des lopins de terre, je crois, mais je n’en sais rien à part que la zone fait partie de l’enfance du premier homme de ma vie, mon père.  Honnêtement je préfèrerais être à Port-au-Prince en cet instant précis, chez moi. Mon environnement me manque et je ne me sens pas le courage de faire face, plus tard, à la nuit sans électricité.
   
      Dans la cour de l’église baptiste où se trouve aussi la maison du pasteur qui nous héberge,  des gens viennent collecter de l’eau fraiche d’une  fontaine implémentée à cet effet.  Ils parlent de deux jumeaux de deux ans atteints de choléra. La maman vient juste de passer, hâtant le pas vers l’hôpital où ses enfants sont en train d’être soignés .   Elle ne peut rien contre le choléra mais sa présence, ses prières en leur faveur doivent certainement être d’un apport sublime.  L’une des voisines lance un commentaire qui me secoue un peu : Ah ! lap mennen konba sa pou kont li ! Nèg la ap anmize li ! Qu’en savent-ils, me dis-je ! Chacun a sa façon d’exprimer la douleur. Certains prennent la fuite. Un autre commentaire se charge d’éclairer ma lanterne : Si li pèdi timoun sa yo….li tou pèdi tout bagay paske fanm nèg la fèk akouche yon pitit gason.  M te pale ak manman jimo yo ayè, li di m Bondye pap kite l pèdi batay sa. 
   
     Cette conversation ajoute une tonne d’émotions à l’atmosphère pourtant sereine. La brise généreuse n’arrête pas de faire pencher les feuilles de l’arbre sous lequel je me tiens et j’éprouve un plaisir infini à les laisser me caresser le visage et les épaules nues.  Je déserte volontiers cette provision de félicité passagère pour me laisser aller à imaginer la vie de cette maigre femme que je viens de voir passer. Comme si être pauvres et avoir deux enfants atteints d’une maladie stigmatisante, dont on ne guérit que par miracle dans une zone dépourvue de services adéquats, n’était pas une charge suffisante ; il faut aussi  que l’éventualité de la guérison ou de la perte des fruits de ses entrailles soit  un élément d’une lutte consacrant le pouvoir social immense qu’elle et tous ceux qui croient et pensent comme elle confèrent à l’homme haïtien. Elle devrait se retirer de ce cinéma et changer sa vie…Si seulement elle le pouvait !

    On se couche tôt à Thomassique.  Très vite dans le soir, je vois les lueurs des petites lampes mourir et les fenêtres se fermer. Je rentre dans ma chambre,  m’étends sur le lit, souhaitant m’endormir le plus vite possible.  Un cri, soudain, fend la nuit. Le sujet de la  conversation du début de la soirée pénètre la chambre avec lui et emplit tout l’espace.  J’arrête de respirer.

    Le cri  s’élève à nouveau, plus long cette fois-ci.  Allongée sur le lit, j’imagine les petits corps froids des enfants. La fusée sonore parcourt le village et le domine durant une bonne partie de la nuit. Je ne pas lutte pas contre elle. Je l’accepte.  Je pleure aussi sur moi.  Je porte en moi tout une cargaison de tristesse qui ne demande pas mieux que d’accueillir cette contribution à l’expression de la peine.  Je pleure en silence. Je ne suis pas chez moi.  Je maudis la MINUSTAH porteuse de ce fléau. Je déplore  notre système de santé moribond. Je maudis les politiciens. Je condamne tout ce qui est condamnable incluant ma propre personne à cause de mon impuissance face à toute cette précarité. Combien d’enfants subissent comme  moi le tourment de ce cri perçant dans la nuit et savent que l’un d’entre eux vient de mourir. Combien de mères sont en train de chercher leurs mots pour expliquer à leurs enfants que le diable choléra ne les emportera pas aussi dans sa fureur contre le village ?  Fatiguée, la voix devient de plus en plus faible puis s’éteint dans la nuit. Je m’ endors épuisée.

     Le lendemain matin,  je me lève tôt pour m’enquérir des nouvelles de la famille. Un petit groupe de trois est sur la cour.  Je m’approche de mon hôte et lui dit :  La dame a perdu le combat.  Ah me dit-il, manmzèl se yon gwo foutbolè. Li drible tout moun !  J’ai bien entendu sa remarque mais tellement  certaine de la mort des enfants, je poursuis sans m’attarder sur sa phrase. C’est malheureux de voir mourir des enfants mais  …quel choix a-t-elle fait lui dis-je, me reprenant bien vite ?   Ils ne sont pas morts, elle est morte.  Rentrée de l’hôpital hier soir,  elle s’est  couchée et s’en est allée. Fatiguée de mener tant de batailles, elle a choisi une autre voie. Et les enfants dis-je, à l’hôpital entrain de recevoir des soins. A-t-elle choisi ?  

Lunise Jules
Août 2011

Monday, July 24, 2017

Pluie d’hibiscus


Il a plu des hibiscus
sur mon toit ce soir
je les ai sentis se glisser
sur mon front abimé
avant même d’échouer
sans bruit sur mes genoux
ils étaient déjà flétris
pour avoir tant donné
de leur éclat ils ont balayé
l’ombre sur mon chemin
transformé mon rictus
en une fleur à partager
Il a plu des hibiscus

sur mes genoux, ce soir.

Saturday, June 17, 2017

Sans Titre

La douleur ne s’éteint pas douleur
La colère ne meurt pas colère
Ma folie a conscientisé ma raison
Et me voilà hors du labyrinthe

Les larmes sont autant filles et fils
De la joie que de la peine
La vie prend feu
Et nous mourrons à sa place
Le feu en moi s’est fait complice de la nuit
Et me voilà libre de rêver

Le sommeil a ses moments de veille
Le doute et la recherche sont siamois
L’amour m’a ouvert son cœur
Et me voilà engagée dans la course
Le présent est toujours nouveau
Le réveil est un don
Deux enfants ont comblé ma journée
Et me voilà amoureuse de la vie !

Lunise Jules

06.17.17

Sunday, March 5, 2017

Tristesse on m’appelle

Tristesse on m’appelle
Je vois naître et fais naître des fleurs et
De grâce ne mettez pas en doute mon talent

Si en votre âme mon dépôt de suie
Témoigne du passage d’un feu fou
Victime de sa propre chaleur
Il n'y a pas effacé la lumière

Ne m'abandonnez pas
Je vous prie
Nous sommes si bien si vrais ensemble
Restez quand même
la transhumance parait une commande
Ne croyez pas aux avances de l’estive frivole
La remue est si souvent passeuse de fausses allégresses
Honorez plutôt la convocation magique des éclaircies
Et l’audace des courants d'eau qui pour vous changent de lit

On m'appelle tristesse
Je transforme le grain de poussière marchand de larmes en perles précieuses
Ne bousculez pas ma compagnie
Nous sommes si bien si vrais ensemble


Lunise Jules, March 5,2017

Thursday, February 2, 2017

Mon pays

Des larmes miracles font la fête
Sur la montagne érodée rendue
Stérile à regret par des enfants perdus
La montagne fiévreuse
Accoucheuse de misères
Toute ramollie d’amour humide
Se laisse disparaitre
Par gouttes épaisses
Offrant dans leurs chutes
A chaque pierre frivole
Une accolade
Jouisseuse de nudité

Des larmes fatales font la tête
Aux cimes édentées
Pour ne pas pouvoir faire la fête
Mon pays pourra-t-il un jour
Se laver à sa propre rivière
Viendra-t-il pour lui le temps de
braver son miroir
Pleurer ses défaites
Lancer sa propre bande de raras
Se déhancher de ses propres tours de reins
Déserter l’ile qu’elle ne veut plus être
Entreprendre d’être l’ile de ses rêves

Des larmes miracles te font la fête
montagne abusée laisse-toi embrasser
Du baiser qui botte son cul à la nuit noire

Feb.2.2016

De l’Orient d’Athène

Monday, November 28, 2016

"Yo Pap Anpeche m Vote"
Atik sa te pibliye deja nan "Woy Magazine" nan jou ki te 29 Novanm 2015.....

An jeneral, lè map rantre lakay mwen  Ann Ayiti, si map soti Petyonvil, mwen rayi pase sou wout frè akoz blokis ki pratikman declare lapèmanans nan zòn sa. San konprann pouki, Vandredi 20 Novanm ki sot pase a, nan apremidi,  mwen deside pase pa wout frè  pou m soti Petyonvil rive nan Jakè. Blokis la te byen rèd;  mwen pran pasyans, mwen gade mache a ki anvayi la ri a, mwen gade moun yo kap vann a tè a, yo  pa bay machin fè anyen pou yo. Detanzantan mwen anvi kase tèt tounen paske blokis la  ridikil, men gen yon bagay ki kenbe m.   Kèk minit apre mwen fin rantre nan lakou lakay mwen, telefòn mwen sonnen. Se te yon zanmi ki te gen pou  vin vizite’m ki tap aprann mwen ke delma 95 , wout nòmal lakay mwen te enposib, wòch ap voye, lòbey…Se te premye fwa manifestasyon kont eleksyon 2015  yo te vyolan konsa.  .Mwen pat menm vle imajine sa m tap fè si lidem pat dim pa pase sou delma…..Pèsonn pa ta imajine ke madanm sa ki pè konsa jou 20 Novanm 2015 la, te nan la ri  Potoprens 29 Novanm 1987, tankou yon anjandre, ap chache wout pou li ale vote pou premye fwa nan vi li.
7 Fevriye 86, lè pouvwa Divalye a kraze, menm si m te wè sa ta pral rive, mwen te kwè m tap reve. Menm si m pat konfòtab ak tout deblozay vyolans kont yon pati nan popilasyon an, mwen te kontan rejim sa te al bwa chat. Mwen pat kapab sipòte awogans makout yo, mwen te rayi jan nenpòt moun te ka disparèt san chèf nan peyi a  pat gen pou rann kont pou la vi yo tap detwi. Rèv mwen te chaje ak kochma sou zanmi manmanm ak papam yo ki te disparèt, moun rejim nan te fè fizye epi oblije  moun al aplodi sou chalmas Okap tankou Max Péan,oswa devan la bank repiblik dayiti nan okap lè yo te fizye nèg fou sa kite  joure manman Divalye yon jou( pa menm nan figi Divalye non…). Bagay sa yo te fini! Sa ki pi bèl la, nou tap  ka al vote pou chwazi moun nou vle ki pou dirije n. Ak yon pakèt  rekot kafe sou tèt mwen, pèsonn pat ka kondanem si m tap danse chak fwa m te sonje ke mwen te resi  pral vote nan vim….

Ah! An 1987, moun ki te gen aparèy leta yo nan men yo pat fen tankou nèg jounen Jodi .  Mesyedam 1987 yo pat kontante yo  aplike teknik vòlò vòt pèp la. Yo te fò nan  anpeche pèp vote, fò nan  touye moun kap vote paske yo te gen gwo cha lagè nan men yo san yo pat janm ka jwenn okazyon pou yo eseye yo.  Mwen pa kache di nou…nou te chofe kon vè lanp pou nal vote . Nou te kwè ak tout kè nou ke se te sèl mwayen pou nou te fè revandikasyon nou pase epitou pou preske nou tout, se te premye fwa, premye fwa nou ta pral vote.
Tout lannwit 28 Novanm zam tap chante; mwen te kwè se te sekirite lame Dayiti tap prepare; se te avètisman yo tap bay atoufè ki ta vle fè dezòd pou anpeche pèp la vote nan lòd. Lame tap veye….Nap kapab vote … byen bonè…..Anyen pap ka kenbe-m. Se sa m te di nan tèt mwen.
Sa te gen apenn 10 jou, depi mwen te akouche yon bèl ti bebe. Manmzel  te vini anvan eleksyon pou manman l kapab vote. Bon timoun ! Depi mwa sektanm m tap eseye konvenk doktè Jean Louis pou li pran timoun nan anvan eleksyon pou mwen , men li te di m : «  Lunise nou pa nan fè politik nan zafè akouchman »  . Poutan se te yon gwo tèt nan pati politik MOP. Wouch… kote sa l pat ka konprann la? Nou te konnen se sezaryèn map fè, ki donk nou te ka chwazi pou pitit la pa fèt twò pre 29 Novanm. Byen senp !
 Bondje fè Nathalie se yon bon timoun, aktivis depi nan vant; depi le 16 Novanm li pwente.  Ven Novanm mwen te deja lakay mwen, ap eseye mache dwat poum kapab al vote. Le 28, pansman sezaryèn te anba vant mwen toujou men…sa pat kapab anpechem mache…. al vote …..premye fwa nan vi m.
29 Novanm, byen bonè, nou desann nan kafou kris-wa sou Nazon; lame te deja pòste yon gwo cha lagè la. Premye sezisman:  Tou pre cha a, mwen gade, mwen wè yon kò atè a, yon dezyèm lòt tou pre, yon twazyèm…yo anpeche machin nou pase.  Gen yonn nan kadav yo ki ta sanble ak yon jounalis mwen konnen. Vant mwen pran bouyi, mwen kase yon kout rèl pou m pa toufe. Men, mwen pa mande tounen lakay.  Yo pap anpeche m al vote.  Ki lès ki dwe te fè zak sa? Ki jan militè yo te fè kite yo fè sa? Ki  jan yo fè touye moun sa yo anba bab militè yo ak tout gwo cha lagè a? ? Yo kanpe la, tou pre. Nou kontinye vanse, nou vire yon jan pou nou pa kraze kò yo.
Voup ! nou rantre nan avni Poupla. Se la mwen pral vote, nan lekol nasyonal la. Depi delwen mwen wè yon liy kap fòme; malerezman nou tande de twa kout bal  tire : ta ta ta ta ta ..Liy nan gaye. Tout moun kouri abrite yo pou yo pa pran katouch men, yo tounen ankò, yo refòme liy nan. Se la pou m ale. Mwen prese ….Menm anba tivant mwen, paske doulè a la toujou, men li pa fò ase pou l anpeche’m vote. Li lè poum ta desann machin nan pou m al jwenn liy moun kap vote. Nap gen tan vote.
Toudenkou, yon gwoup ti mesye vin bare machin nou. Yo oblije nou kanpe. Yo vle nou ede yon madanm ki atè a ak on paket san sou li, janm dwat li plen ak bal. Fòk li ale lopital. Li ta pral nan travay li Kwadèpre epi li pran bal.    Se lè sa mwen resi reveye, mwen  pran konsyans ke mwen te nan lagè. Mwen realize la ri a pat gen anpil moun epi pa te gen okenn lot machin non plis. Sant bal te tou patou. Lanmò tab bay lavi bel kout dan. E mwenmen, mwen te pote tèt mwen ba li, nan vale lanmò lame dayiti ak tout zakolit li yo te trase pou nayif ak inosan ki te kwè demokrasi te posib ann Ayiti lè sa.
Machin mwen genyen de pòt Selman. Si m desann mwen ka pran bal men, fòk nou sove madanm nan. Touswit mwen dikte yon estrateji e pèsonn pa gen tan pou diskite : Chofè a ap rete chita ; mwen menm map konte 1-2-3. Sou “1” map desann machin nan, sou “2 “map desann chèz mwen, sou 3 yap foure madanm nan nan machine nan. Ti lame enpwovize a te mache byen. Sou “3” madanm nan te nan machin nan. Trap de nou rive lopital jeneral paske la ri Pòtoprens te blanch. Ti kantite machin nou te rankontre yo, yo tout se te djip menm jan ak pa nou. Nan tan sa, se militè ak ONG kit e gen sa yo te rele machine do wo. Rive Lopital Jeneral, touswit yo akeyi madanm nan pou yo mete nou deyò kon chen. Yo rele sou nou jis nou egare. Yo pa te vle nou wè kantite moun yo tap resevwa….
Mwen tap tranble kou fèy bwa koulye a. Motivasyon pou vote ale,  motivasyon pou sove lavi madanm nan fini, yo  kite nou ak yon laperez.  Ki wout ki pi bon?…ki kote yo pap tire moun? Pase bò Lali, yo te fèk fin ravaje moun nan riyel Vayan, nou kouri vit. Gen yon mesye ki te fèk soti pran bal nan yon bò tet li; san ap  koule sou zepòl li; li gade machin nou epi li ranmase yon denye fòs pou l kouri paske se machin djip ki tap tire sou  moun.  Li pat konnen se te inonsan parèy li ki tap vini fwa sa.  Eske map gen tan rive lakay mwen? Eske map gen chans anbrase kat pitit mwen yo? Eske map gen chans kenbe ti bebe m nan ankò. Se Sèlman vote m te vle vote pou premye fwa….
Mwen rive lakay mwen, mèsi Bondye ! M kouri dwat al devan bèso nouvo pitit fi m, mwenn gade li epi mwen pote l plent ak tout dlo ki te nan jem ak nan vwa m, tankou yon ti moun piti, tou piti paske se konsa m te santi m jou a : « Tali, se vote m te vle vote wi…pou premye fwa…Yo pa kite m vote…

Lunise Jules

Pibliye pa « Woy Magazine,29 Novanm 2015